La Série Panitam

Au Musée d'Art de Singapour

L'œuvre a été commanditée par le Musée d’Art de Singapour et exposée au Musée Peranakan, à l’occasion de la Biennale de Singapour, en 2016.

Mes gravures donnent à voir une illusion du tactile. Les textures et motifs de broderie, dentelle, frivolités, crochet ou tissage sont transférés sur plaques de cuivre et retravaillés au fur et à mesure, avec patience, jusqu’au résultat final. A chaque étape, on constate parfois d’abord d’une déperdition d’informations par rapport à l’ouvrage initial puis enrichi d’une métamorphose, où ces textures et motifs gravés de l’étoffe deviennent mémoire et subjectivité.

Le titre « Panitam » vient du pali signifiant le sublime. Les gravures sont au nombre de 72 paires et se regardent recto et verso. Exposées dans un espace 3D, elles invitent le public à une double forme d’expérience sensorielle, à la fois à distance, une vue à 360 degrés de toute l’œuvre, quand on y tourne autour, du rez-de-chaussée au 2e étage et au plus près, les détails vus à travers un compte-fils ou une loupe. A travers ces dimensions plurielles, l’imaginaire se met au service de la production artistique et se joue des imperfections. Du début à la fin, le graveur manipule de ses mains des matières et matériaux, tels que l’étoffe ou le cuivre. Ainsi elle lime, polit et nettoie la plaque, elle la travaille puis l’expose dans un bain d’acide, elle la nettoie et une fois le travail de la plaque prêt, elle prépare les couleurs, elle pré-trempe les papiers, elle encre la plaque de cuivre et l’essuie, elle l’imprime. Ces opérations se répètent encore et encore.

La nature de « Panitam » est de demeurer dans sa caractéristique d'imperfections. On peut déceler des taches sur quelques panneaux, la morsure du bain d’acide peut être inégale et irrégulière sur la plaque. Les paramètres peuvent varier, comme la température ambiante de l’atelier qui agit sur la puissance de l’acide par exemple, mais Tout va bien. L’absence d’homogéneité ou la beauté organique dans ce processus se combine bien avec la matière du papier. Et les textures des encres renforcent encore davantage la matérialité physique de l’œuvre. Cette pratique diffère de tout au tout de celle qui est « lisse » et utilise des techniques « raccourcies » numériques.

D’autre part, j’ai daté de 2016 ces 72 paires de « Panitam », l'année où elles ont été suspendues en un mobile et exposées ensemble. Même si les deux tiers des gravures datent bien antérieurement à cette date, les plus anciennes remontant à 1997. il s'agit d'un ajout couche sur couche, à la façon d'une stratification géologique, ou d'une superposition de différents espace-temps et compositions. Cette installation éphémère de gravures défie la tradition même de cet art de l'estampe.


Et enfin, cette oeuvre globale est conçue comme une constellation de pensées, à la fois plurielle et en fragments mobiles, comme des rappels de notre mémoire, et en hommage aux réalités pluri-dimensionnelles quantiques. C'est aussi un défi lancé à la tradition iconographique occidentale, où la narration est plus ou moins linéaire, lié à un paysage ou un portrait.  

 


The Panitam Series - English Translation

 

My engravings show an illusion of the tactile. The textures and patterns of embroidery, lace, tatting, crochet or weaving are transferred to copper plates and reworked gradually, with patience, until the final result. At each step, we sometimes first notice a loss of information compared to the initial work of reference. However, they are then enriched by a metamorphosis, where these textures and patterns engraved on copper plates become something else, imbued with memory and subjectivity.

 

The title “Panitam” comes from the Pali meaning the sublime. There are 74 pairs of etchings and engravings and they all can be seen front and back. Exhibited on a site-specific 3-D space, they become ONE installation and invite the public to a double sensory experience. First, remotely, a 180-degree view of the entire work at one time, when you walk around it, from the ground floor to the 2nd floor. And then up very close, the details are seen through a thread counter or a magnifying glass. Through these multiple dimensions of this artistic production, our imagination sets itself free and plays with imperfections. From start to finish, the printmaker is anchored in her activities, with hands on materials and equipment, such as fabric or copper. She files, polishes and cleans the metal plate, she works on it, exposes it to an acid bath, over and over again, until it is ready. Then she cleans the plates, mixes and prepares the colors, pre-soaks the papers, blotters them. She inks the copper plate and wipes it. And finally she prints it. These operations are repeated again and again.

 

The nature of “Panitam” is to remain in its characteristic of imperfections. Stains may be seen on some panels, the acid’s bite may be uneven and irregular across the plate. The parameters may vary, such as the ambient temperature of the workshop which affects the acid’s strength, but everything is fine. There is an organic beauty in this very process, that works well with the material quality of the paper. And the tangible textures of the inks further reinforce the physical reality of the work. In this way, this practice differs completely from that which is “smooth” and uses digital “shortcut” techniques.

 

On the other hand, I dated these 74 pairs of “Panitam” to 2016, the year they were hang altogether, as one mobile installation. Even if two thirds of the etchings and engravings were done well before, from 1997 to 2015. Additional layers upon layers, the whole show looks like a geological stratification but viewed on profile, or an overlapping of different times and spaces shock blocks in one single work, which contrasts with the ephemeral and fragile set up of the installation, directly exposed to the circulation of the air and humidity, i.e. creating possible damage to the work. Here clearly, such a display of prints and engravings challenges the very tradition of this art of printmaking.

 

And finally, this overall work is conceived as a constellation of thoughts, in mobile fragments, like reminders of our memory, and in homage to multi-dimensional quantum realities. It is also a challenge to the Western iconographic tradition, where the narration is more or less linear, linked to a landscape or a portrait.

 

 
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The Jakarta Post